23 janv. 2023

ACAZINE « Fanzine et numérique » 13 février 2023

 


Séance ACAZINE « Fanzine et numérique »

13 février 2023 au Campus Condorcet

15-17 h 

 Centre des colloques

 salle 3.05 située au 3ème étage

 

 

Mais les fanzines, ce ne seraient pas juste des blogs version papier ?, se demande, avec une pointe d’ironie, Chip Rowe qui a signé le Book of Zines en 1997. 


Et c’est vrai que les points de convergence entre nos zines qui circulent de mains en mains et les blogs qui ont fleuri sur la Toile sont nombreux : l’expression d’un message direct, sans passer par un quelconque intermédiaire éditorial ou institutionnel, la publication simple et immédiate, pourvu que l’on ait appris quelques rudiments de bricolage à base de colle, de ciseaux ou d’électronique, la pas-sion qui anime les auteurs, qui souvent ne tirent pas le moindre écu de leur plume, puis la liberté de ton et de thème, avec son merveilleux corollaire : l’infinie diversité de sujets, de formes et de styles qu’explorent ces deux objets. C’est sans compter la philosophie qui a pu animer les premiers âges d’Internet, bien avant l’empire des réseaux sociaux et la domination sans échappatoire des GAFAM : ces âges pionniers des années 1970 et 1980 où, comme le montre Fred Turner dans Aux sources de l’utopie numérique. De la contre-culture à la cyberculture : Steward Brand, un homme d’influence, les réseaux en ligne étaient portés par une aspiration libertaire héritière de l’univers du rock, des communautés hippies et de l’augmentation de soi par les psychédéliques. Il fut un temps où l’on aurait bien pu croire qu’Internet serait le neveu de l’esprit do-it-yourself que les fanzines avaient insufflé dès les années 1930.


Et pourtant ! C’est par la négative que Chip Rowe répond à sa question. Non, les zines n’ont rien à voir avec des blogs, pour la raison essentielle qu’ils « existent et encombrent un espace IRL » (in real life, donc), et que l’on « ne peut pas relier un blog avec du Scotch ou des agrafes, [ni] davantage relier un zine avec du CSS ou du html ». D’ailleurs, si la communauté des zineurs a pu investir les écrans avec la vogue des e-zines dans les années 1980 et 1990, c’est pour ensuite s’en détacher, jusqu’à en arriver aujourd’hui à un engouement inespéré pour les fanzines papier, avec leur épaisseur de pages, d’encres, d’approximations, de grains et de hasards, à l’heure pourtant de la dématérialisa-tion généralisée. Il en va des fanzines comme des vinyles : tout se passe comme si la menace des pixels les faisait revivre. 


Cette séance du séminaire ACAZINE entend plonger dans les aspérités complexes de la relation faite d’amour et de haine entre les fanzines et le monde numérique. Après l’intervention d’Izabeau Legendre qui posera le cadre théorique et les jalons historiques du lien houleux entre fanzines et nu-mérique, on explorera des exemples créatifs de leurs modes d’interaction. Des fanzines papiers inspi-rés par les réseaux sociaux – avec Elisabetta Cunegatti – jusqu’aux fablabs qui mettent les technolo-gies au service de l’autoédition – avec Marie Daubert –, les formes de rencontre entre le fanzinat et l’électronique se réinventent sur la scène contemporaine.


Intervenants : Izabeau Legendre, Elisabetta Cunegatti, Marie Daubert.

Coordination : Ariane Mayer



Izabeau Legendre

 

Titre : Zines Are Dead ! Fanzinat, numérique, et longue durée au tournant du millénaire

 

Resumé :

 

Le tournant du millénaire est marqué, dans le fanzinat, par une période de crise importante. Comme pour les secteurs les plus établis du monde de l’édition, le fanzinat est profondément affecté par la démocratisation de l’informatique, par l’avènement du web et de la presse en ligne. Rétrospectivement, ce moment marque un changement majeur dans la production de fanzines, caractérisé comme un passage du zine en tant que média au zine en tant qu’artefact (Zaytseva 2018).

 

En suivant, des années 1980 aux années 2010, l’évolution des prises de position d’actrices et acteurs du fanzinat, il s’agira de montrer comment s’est effectué cette importante transformation, en en notant quatre moments clés : 1) un enthousiasme pour l’informatique, les « e-zines » et la dimension utopique de l’internet dans les années 1980 et 1990; 2) une certaine panique « fin de siècle » et la mort annoncée du fanzinat dans les années 1990; 3) la valorisation de la matérialité contre les aspects communicationnels du fanzine au début des années 2000 (« zines are not blogs », Freedman 2005); et 4) la revendication du fanzine, objet imprimé sur papier, comme résistance à la culture numérique au courant des années 2010.

 

Sachant le caractère nettement distinctif des fanzines publiés depuis les années 2000 et 2010 au regard de l’histoire du fanzinat, l’étude de ce moment de bascule permettra de montrer comment, à travers des débats et une réactualisation des pratiques, des formes nouvelles ont pu s’inscrire dans la longue durée, reconfigurant la façon de penser l’ensemble de l’histoire du médium.

 

Biographie :

 

Izabeau Legendre est candidat au doctorat à l’Université Queen’s, au Canada. Ses recherches portent sur le fanzinat, les différentes « scènes du zine », et la place que les fanzines occupent dans le champ culturel et la vie politique. Il est l’auteur de La scène du zine de Montréal (2022), une étude décrivant l’organisation, l’histoire et la place de la scène montréalaise du zine dans le champ culturel québécois. Sa thèse doctorale porte sur l’histoire des rapports entre fanzine et politique sur le temps long (depuis 1930), et à travers trois aires linguistiques (anglophone, francophone, germanophone).

 

 

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Intervenante : Elisabetta Cunegatti

 

Titre : Fanzines et réseaux de rencontre : archives d’identités

 

Resumé :

 

Peu avant le début de cette nouvelle ère pandémique, je me suis penchée sur la question de la construction d’identité via les réseaux sociaux, pour me concentrer ensuite sur les applications de rencontre, comme Tinder.

 

Ces plateformes peuvent être considérées comme des archives temporaires biographiques, gouvernées par des algorithmes, où les personnes attendent comme des produits sur une étagère, à portée de main de chaque possesseur de smartphone. Ces applications, qui s’articulent comme une galerie infinie d’autoportraits, adressent dès l’inscription, la question de la construction d’une identité virtuelle.

 

Ma recherche essaye d’extraire du monde virtuel les éléments qui composent l’identité de séduction des hommes contemporains. C’est un arrêt sur image qui tisse une nouvelle philosophie de l’amour aux temps des réseaux. C’est une manière de dépasser la volatilité des applications pour rejoindre le domaine du lyrisme de l’amour.

 

C’est une recherche personnelle qui ne se veut pas exhaustive, d’où l’intérêt de présenter le travail sur le sujet mené par les artistes Hélène Souillard, 16b éditions, Giampiero Bianchi.

 

 

Biographie :

 

Née en 1988 à Vérone en Italie, Elisabetta Cunegatti vit et travaille à Paris en France. 

 

Après des études en économie, elle travaille dans le marché de l’art contemporain avant d’intégrer un cursus d’arts-plastiques. 

 

Elisabetta Cunegatti développe un travail d’écriture fondé sur le rapport texte-image, avec des images qui sont traitées plastiquement et des poèmes photographiques.

Son esthétique nomade est fondée sur les rencontres et les déplacements qui font écho à son histoire personnelle et à ses origines.

 

Le résultat est une fusion de contrastes et contradictions, basé sur une fascination profonde pour les mythes, le reggaeton, la littérature, la mode.

À travers ses créations elle illustre les dérives du capitalisme, les théories d'extinction, crée des nouvelles formes d'apocalypse et invente des histoires d’anticipation.

 

Sa recherche actuelle se concentre sur la création d'identités à travers les sites de rencontre.

 

Contact :

site web : cargocollective.com/elicunegatti 

Insta : @Elisabetta.Cunegatti     @perleditinder

blog : elicunegatti.tumblr.com/

 

 

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Intervenante : Marie Daubert

 

Titre : Fanzines et fablabs


Résumé: Pendant le confinement, constatant que le DIY et les fanzines sont quoi qu'on en dise essentiels, l'équipe informelle Makercrew constituée autour du Rambot du Cactus, le RffLabs et feu-Demophone, lancent le Makerzine, fanzine de la communauté Maker.

Alors que les makers s'organisent pour fabriquer des masques et équipements de protection pour les soignants, le Faire-soi-même devient la règle. Pour la première fois, la théorie de la fabrication distribuée prend corps. Selon le principe maker que rien n'est tout à fait impossible, l'idée se propage alors à tous les secteurs. Et si c'était possible de faire des média en fabrication distribuée ? Le Makerzine, les Apéro makers sur Twitch, toutes sortes de formes culturelles autoproduites apparaissent pour rompre l'isolement et faire communauté. C'est quoi un maker: tout le monde, s'il ou elle le décide.

Depuis, le fanzine et la micro-édition sont une des multiples formes qui surgissent en fablab et s'éteignent parfois tout aussi rapidement. L'intelligence collective et la capacité de former des équipes de travail efficientes bien que mouvantes définissent peut-être une forme d'écriture particulière. Le rapport à la technique détermine-t-il une esthétique? Pas vraiment, mais le fanzine, en tant qu'objet destiné à un lecteur, pose une finalité de l'objet qui fait parfois défaut en fablab. Enfin, nous pourrons interroger le rapport entre le fanzine et la communauté, qui est une des caractéristiques structurantes des tiers-lieux tels que les fablabs.


Biographie : Il y a 18 ans, Marie Daubert explorait avec son fanzine Demophone la scène autoproduite française. Démos, zines, microlabels, la vie des gens. Aujourd'hui elle est graphiste, engagée dans les réseaux de makers, low-tech, défense des forêts vivantes, zéro déchet, la Commune de 1871. A travers toutes ces luttes, elle prône l'autoproduction, qui s'exprime toujours sous de nouvelles formes