Le sixième atelier Acazine organisé par le Campus Condorcet sera consacré au fanzine et la littérature.
Thème : Fanzine et littérature.
L'atelier se déroulera en deux temps : présentations et table-ronde (14h-15h30), atelier création d'un acazine (16h-18h)
Présentation et
contexte (Ariane Mayer)
L’écriture
littéraire, lieu de naissance du fanzine
Quand on pense au fanzine,
on ne pense pas tout de suite à la littérature, qui est sans doute restée moins
vive dans nos représentations fanzinesques que la musique ou le graphzine par
exemple. Pourtant, c’est bien par là que le fanzine a commencé. Bien avant la
démocratisation de la photocopieuse qui a accompagné l’essor des fanzines,
ceux-ci sont historiquement nés entre la fin des années 1920 et le début des
années 1930, lorsque des auteurs de science-fiction aux Etats-Unis commencent à
publier leurs nouvelles dans des petites revues d’amateurs. Ces premiers fanzines,
comme Amazing Stories dont le premier numéro sort en 1926 ou The
Comet en 1930, étaient réalisés et copiés avec les moyens du bord de
l’époque : copie carbone, hectographie, duplicateur d’alcool ou
miméographe, offraient de nombreuses illustrations aux côtés des textes, et
donnaient lieu à d’abondantes correspondances entre les fans. Certaines figures
aujourd’hui reconnues comme essentielles dans la science-fiction, comme Hugo
Gernsback ou Raymond A. Palmer, ont fait leurs premiers pas d’écrivains dans ces
petites publications destinées aux amateurs.
Représentations
et tensions
Pour autant, malgré ce point
de départ historique, le lien entre fanzine et littérature est complexe. Se
posent d’abord, en France tout particulièrement, des questions de légitimité,
le fanzine évoluant par définition dans des circuits de diffusion et de
reconnaissance parallèles aux circuits institutionnels et éditoriaux, qui ont
tendance à marginaliser ce qu’ils n’ont pas consacré. On peut relever aussi que
les fanzines littéraires échappent à la représentation traditionnelle de la
littérature, en donnant une grande place à l’image, à la plasticité, à l’objet.
La recherche de matériaux spécifiques radicalement distincts du livre
classique, l’hybridation entre le textuel, le visuel et parfois même le
sculptural, nous font sortir d’une vision habituelle de la littérature comme
pure œuvre de l’esprit qui serait émancipée de la matière, et nous permettent
ainsi d’élargir ses frontières. Grâce au fanzine, et en raison même de la
tension qu’il entretient avec les conceptions classiques du fait littéraire,
celui-ci se questionne et se renouvelle.
Créativités
contemporaines
Qu’est-ce donc, au final, qu’un fanzine littéraire ? Depuis leurs premiers pas il y a presque un siècle, ceux-ci ont largement évolué et se sont diversifiés, au niveau des genres comme des démarches. Pour explorer le foisonnement créatif auquel ils donnent lieu aujourd’hui, et les appréhender comme outils de recherche sur la littérature elle-même, cette séance nous fera découvrir plusieurs exemples. Ce sera l’occasion de découvrir plusieurs formes de rencontres entre fanzine et littérature : le fanzine comme mode de diffusion original des textes d’un auteur par lui-même, le fanzine comme recueil de textes de plusieurs auteurs contemporains, le fanzine comme outil de découverte et redécouverte d’auteurs historiques. On verra passer, exemplaires à l’appui, à la fois de l’autobiographie, de la poésie et de la fiction, ainsi qu’une riche variété de formats et de matériaux. Je vais donc laisser la parole à nos trois intervenants pour qu’ils donnent à vivre leurs expériences du fanzine littéraire, et vous invite ensuite à en faire une de nos propres mains, à partir de 16h, à travers un atelier création autour de la séance.
Matthieu Rémy
« Atteindre
‘l’âge d’homme’ avec un fanzine »
Matthieu Rémy expliquera sa démarche dans la pratique du fanzinat
lorsque, lecteur de Michel Leiris et de Jean-Christophe Menu, il a décidé
d’orienter le fanzine qu’il avait créé, intitulé « Tout seul », vers
l’écriture autobiographique.
Matthieu Rémy est
maître de conférences à l’Université de Lorraine, agrégé de Lettres modernes et
auteur d’une thèse sur Georges Perec. Ses recherches portent actuellement sur
la représentation de la société de consommation dans la littérature française
et sur la notion de contre-culture.
Il a notamment
participé à l’ouvrage collectif Une histoire (critique) des années 1990
(la Découverte-Centre Pompidou-Metz) sous la direction de François Cusset et
co-dirigé l’ouvrage Ce que Mai 68 a fait
à la littérature avec Nelly Wolf.
Auteur d’un ouvrage
intitulé Les Lieux du rock (Tana
éditions) avec le dessinateur Charles Berberian, il a écrit dans de nombreux
périodiques dont Les Inrockuptibles
(cinéma et télévision), Rolling Stone
(livres) et Novo (musique et cinéma),
et collabore actuellement à AOC et Télérama.
Nouvelliste, il a
publié aux éditions de l’Olivier un recueil intitulé Camaraderie en 2013.
Préalablement, il
avait écrit le texte d’une conférence dansée intitulée La variété française est un monstre gluant pour la compagnie de
théâtre La Brèche (spectacle joué lors d’une cinquantaine de dates en France
entre 2012 et 2014).
Auteur de fanzines dans sa jeunesse (dont Tout Seul, périodique fait main et diffusé en photocopies entre 1993 et 2000), il a récemment supervisé l’ouvrage Fanzinorama aux éditions Hoëbeke.
Philippe Lemaire
« Le
fanzine comme jeu poétique. Création et rencontres autour d’une revue
lunaire : La Nouvelle Revue Moderne »
L’année 2022 marque les vingt ans de la Nouvelle Revue Moderne, le fanzine littéraire créé par Philippe
Lemaire, dont le premier numéro est paru en mars 2002 à l’occasion d’une
exposition de collages et de sculptures dans un garage intitulée « Sous
l’œil de la chouette ». La présentation de Philippe Lemaire proposera de
récapituler l’histoire de la revue et de ses à-côtés, les rencontres, les
correspondances, les événements qui ont fait l’histoire de ce fanzine.
Auteur et artiste du collage, Philippe Lemaire a notamment publié Colleur de rêves (éditions de l’Usine) et Un Voyage d’envers (éditions La Contre-allée, en collaboration avec Robert Rapilly). Il anime la Nouvelle Revue Moderne depuis 2002. https://nouvellerevuemoderne.free.fr
Soizic Cadio
« Balbec
Book Club : mêler texte et textile à travers le fanzine »
L’intervention de Soizic Cadio présentera son travail autour du lien
entre fanzine et littérature.
Le fanzine littéraire qu’elle a créé découle de l’envie de mêler texte
et textile. Chaque numéro part d’un classique marquant et parfois empoussiéré
par une image solaire (Dickens, Zola, Melville, George Eliot, Flaubert…) pour
le revisiter à travers un format libre mélangeant broderie, tissu et papier, le
tout passé à la photocopieuse et relié à la machine à coudre.
En parallèle, elle a commencé Entre deux verres, un nouveau fanzine sur
papier calque compilant des fulgurances entendues en soirées, assorties de
broderies festives.
Soizic Cadio est bibliothécaire, brodeuse, Bic lover, bookworm, créatrice de fanzines et rédactrice pour La septième obsession.
Atelier de
recherche-création
Thèmes
envisagés
-
La matérialité (hybridation des formes, rapport entre le
texte et l’image, la poésie et le collage, le textuel et le textile)
-
L’histoire dans tous les sens du terme (raconter une
histoire, raconter sa propre histoire, revisiter l’histoire des auteurs qui ont
raconté des histoires)
-
Institutions et marges (notion de contre-culture, son rapport
complexe avec la littérature, faire voir d’une autre façon les auteurs
consacrés, donner d’autres formes de visibilité)
-
Singularité et collectif (un ou plusieurs écrivains, un
écrivain qui donne la parole à d’autres, diverses formes de liens entre les
auteurs ou les « fans » d’un projet)…
Forme
envisagée
Produire, seul(e) ou à
plusieurs, un fanzine littéraire autour de la séance : récit
autobiographique de cet après-midi, poème, collage textuel, poursuite des discussions
par des dialogues imaginaires… En inscrivant l’écrit dans une matérialité
(support, illustrations, dessins ou autres).